Citations de Philippe Mac Leod

 

Par l'écriture poétique, je ne veux pas transmettre, mais éveiller chez le lecteur un même niveau d'écoute, de regard, d'ouverture au monde. Eveiller un Ailleurs, insondable, indicible, mystérieux.

- La Vie - Les essentiels

Il nous faudra bien comprendre un jour ce que l'homme est en profondeur, en puissance, le trésor de beauté, d'esprit, de joie pleine, qu'il recèle sous le brouillon de son existence, et lui dire qu'il est fait pour la lumière.

- Sens et beauté


Témoignages

Une rencontre pas ordinaire

Christine Barbey - Juin 2023

Sur les pas pyrénéens de Philippe Mac Leod

Jean-François Duyck - Mai 2024

Pascale Patillon et Philippe Mac Leod : une fructueuse mais si brève collaboration

Jean-François Duyck - Décembre 2024


Hommage à Philippe Mac Leod,

Gérard Bochelier

SILENCE DONNÉ

 

"J'ai prié  - et le silence m'a été donné."

Philippe Mac Leod

1954-2019

 

   Philippe Mac Leod a quitté ce monde en février dernier. Il nous laisse une œuvre de lumière, d'une qualité rare, qui s'est toujours efforcée de communiquer aux hommes sa foi intense en la Présence. Cette foi, je peux en témoigner, n'a jamais faibli. Bien plus, elle s'est comme affermie dans le dépouillement, vécu comme une grâce, de l'agonie.

   Déjà, dans le volume Sagesses, publié en 2001 par Ad Solem, en l'année où il venait de remporter le prix Max-Pol Fouchet pour La Liturgie des saisons (Le Castor Astral), il écrivait : "Chaque jour un peu moins. Pour que mourir n'ait qu'un voile à soulever,une dernière couleur à effacer."

   La Liturgie des saisons disait sa totale confiance : "Rien ne se perdra car j'ai déjà tout pris de ce qui se pouvait prendre. Je l'emporterai, comme un écho qui n'en finira plus de s'amenuiser en s'affinant." Tout ? Autrement dit, la flamme immortelle qui est en nous, le souffle brûlant qui nous appelle vers les cimes, et qu'il nous faut aiguiser, augmenter sans cesse. "Chaque fois que l'homme affine sa sensibilité, sa part d'éternité s'accroît, le ciel en lui grandit, sa chair se fait plus transparente." Comment ne pas rapprocher cette phrase, extraite de L'infini en toute vie (Ad Solem, 2008) de la fin du texte inédit que le poète confia à Arpa 125-126 pour un ultime appel, devenu un poignant adieu : "tout l'infini que l'on portait au cœur soudain dehors -d'un coup" ?

   Philippe Mac Leod a préservé cet infini comme le plus grand trésor dont l'âme puisse être dépositaire. La contemplation des montagnes, des Pyrénées longtemps, puis celle de la lande bretonne et de l'océan à la fin de ses jours, ont permis qu'une patiente et humble marche intérieure s'accomplisse en lui. Dans l'essai Avance en vie profonde (Ad Solem, 2012), il résume ainsi pour nous ces incessants cheminements de solitude, passages vers l'intérieur de l'être et le secret des paysages, ces circulations vitales qui le parcouraient, de prières en poèmes, d'ascensions physiques en ascensions spirituelles :

              

" Voilà mon concret : apprivoiser l'invisible, nous appuyer sur ce qu'il y a de moins tangible en nous, pour nous apercevoir qu'il n'est rien de plus sûr, de plus   solide et de plus essentiel. Le reste -tout le reste- s'ordonnera nécessairement. La seule règle demeure la présence. Tout lui est soumis. "

 

   Que ce soit dans les proses, les poèmes, les essais ou les chroniques, l'harmonie essentielle du monde créé et de l'homme appelé à l'absolu est non seulement célébrée, mais réalisée dans l'écriture même. Et l'écriture poétique se dénude à la ressemblance parfaite de la vie vécue en vérité, dépouillée de tout artifice qui l'étouffe, cette vie mise à nu qu'il compare à "une corde tendue où court l'étincelle d'avant les choses", l'étincelle originelle qui poursuit son œuvre malgré toutes les failles. La terre et le ciel, le réel et le verbe sont unis par un seul et même souffle, que Philippe Mac Leod reçoit et restitue en un instant suspendu, qui peut parfois rayonner de manière presque surnaturelle.

 

" Le bruit d'une seule feuille, dans le silence immense de la forêt. Des pas, une voix chuchotée... Après-midi d'automne, le bruit d'un seul mot dans le silence immense du poème. Tout tremble, tout s'éclaire -entre les arbres, les feuilles- , puis la page se referme comme un tapis mouillé qui colle à nos souliers. " (Le Pacte de lumière, Le Castor Astral, 2007)

 

   Le poète est ainsi un passeur : la vie éternelle qu'il ressent en lui comme un germe, il doit la faire grandir, éclore, et la transmettre à tous. Ne rien garder, tout donner jusqu'à ne plus être soi-même que feuille légère en pure transparence !

   Alors le silence peut venir, celui qui précède peut-être l'extase, l'ultime détachement. Il n'y a plus ni âge, ni visage, ni haut, ni bas, mais seulement "toute la profondeur des mondes dans les aubes claires et vastes qui s'avancent loin dans la nuit comme des mains frémissantes... L'âme s'y glisse, lisse et unie, transparente dans le jour sans bord, un seul et large souffle, que dissimule l'étoffe diaphane de l'espace..." (Puissance du mystère, Le Castor Astral, 2010)

 

" L'aile du silence " recouvre toute la poussière humaine, elle accompagne le poème devenu offrande, action de grâce. Un des deux derniers livres parus juste avant sa mort, Variations sur le silence, sans doute son chef d'œuvre, révèle le mystique qui chantait depuis toujours en Philippe Mac Leod et qui rejoint les plus grands : Peguy, Claudel, La Tour du Pin, et tant d'autres. Le chant s'élargit au plus vaste, en recueillant le plus infime, le plus impalpable, tisse un réseau de lumière, des racines les plus solidement enfoncées dans l'argile à la profusion palpitante des nuées.

 

" L'homme qui prie porte en son silence toute la semence des siècles, les voix de la nuit, les grands murmures d'univers, chaque instant gonflé d'une sève immémoriale

chaque goutte du temps qui perle abreuvant des mondes en fleurs

dont le clair parfum s'élève plus haut que les airs." 

 

   La transparence de Philippe Mac Leod nous appelle, à chaque page de cette œuvre admirable, à travailler à la nôtre. Sa sincérité, sa générosité, sa foi rendaient meilleurs les amis qui le fréquentaient. Sa voix était bien plus que celle d'un grand poète. Elle ne cesse de nous confier, avec la simplicité des enfants -ou des saints-  :

 

" Je ne cesse d'écrire depuis comme je prie. Et je prie comme je respire. Je respire comme je pense. Je pense comme je tremble. Et je me tais pour tout reprendre au creux de la voix. "

 

Gérard Bocholier

 

Paru dans la revue de poésie Arpa N° 127. Septembre 2019.

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