Le mot « bleu » dans l’œuvre de Philippe Mac Leod
1/ Avons-nous remarqué que Philippe Mac Leod utilise souvent le mot « bleu » dans ses écrits, qu’il s’agisse de l’adjectif ou du nom ? Ses occurrences sont nombreuses, insolites, parfois déroutantes, souvent surprenantes ! Le mot « azur » complète ce florilège, notamment lorsqu’il parle de la Vierge Marie.
Philippe, dont l’attirance pour le bleu dans la vie courante n’est pas connue, aurait-il un message particulier à nous communiquer en l’utilisant dans ses textes, et qu’est-ce que cela nous dit de lui ?
2/ Dans ses recueils de poésie ou ses essais il l’utilise dans un grand nombre de contextes différents, par exemple quand il parle de sa mort : « C’est ainsi que je voudrais mourir, dans l’éclat, dans le regard bleu du monde » (Sens et Beauté p.15) ! Il titre : « Un éclat de bleu Bretagne » une pépite réalisée avec Marie-Hélène Lorcy colorant quelques vers de Philippe d’encre de Chine originale (Edition Thamé Mars 2019). Son emploi de ce mot est en effet récurrent, dans toutes sortes d’associations étranges : « une caresse bleue », « l’immensité bleue d’un monde à son comble », « le songe bleu d’un premier feu », « cette solitude du bleu », « l’herbe bleue sous les rafales », « le vide bleu », « l’essoufflement d’un dernier mot qui se prolonge de bleu et de glace », « le bleu, saveur de l’éternité », etc, etc…
3/ D’emblée, on notera que pour Philippe, la Vierge Marie et le bleu sont associés : « il est devenu, dit-il, la couleur virginale par excellence » (D’eau et Lumière p.51).
On en a en effet une illustration claire dans son livre « D’eau et de lumière. Lourdes, une spiritualité de la transparence » (Ad Solem 2010). Il titre une des quatre parties « Le bleu de Lourdes » et, dans le court chapitre « La ceinture de la Vierge », les mots azur ou bleu apparaissent vingt et une fois ! Philippe explique alors ce que représente pour lui cette couleur. « Le bleu nous invite à la pureté. Il est la couleur de l’esprit, il a l’éclat de la lumière dont notre âme est tissée » (p.49). « Et l’azur est sans doute l’image la plus juste de l’avenir, la figure la plus éloquente de l’au-delà qui nous est promis, un infini de clarté » (p.51). Le bleu exprime donc une sorte d’idéal, aujourd’hui et dans l’au-delà.
4/ Le témoignage d’Hélène Perrin dans la seconde partie du recueil Poèmes pour habiter la terre p.165 et 166 (Le Passeur 2015) est intéressant car il évoque l’emploi des couleurs par Philippe. Elle relate que, s’éloignant d’une abbaye pour un peu de solitude, elle fit l’expérience qu’elle est un élément de la nature vivante qui l’enveloppe et elle souhaite alors « changer l’écoute, transformer le regard, pour percevoir le réel et y être présente, autrement ». Ceci est véritablement une démarche macléodienne. Comprenant alors « comment on peut écrire en couleurs, la palette s’enrichit de poème en poème », elle énumère celles utilisées par Philippe : le rose du ciel, le gris foncé, le blanc, le noir, l’or, la couleur de la rouille « et surtout, dit-elle, un fil bleu qui court de page en page, bleu du ciel, des yeux, et tant d’autres bleus » et elle conclut son propos en citant Philippe : « Ce glorieux étalement où la couleur mûrit des graines de bonheur ».
5/ Dans deux textes Philippe nous présente son choix du bleu, ce que cette couleur est pour lui et pourquoi elle rejoint ses aspirations les plus profondes : « Tu exploreras le bleu » (Petites chroniques d’un chrétien ordinaire DDB 2010 p.59 à 61) et « Bleu d’enfance » (Les Essentiels de La Vie Oct. 2016).
5.1 – Dans une série de huit injonctions, où il emploie le pronom « tu » et où le verbe est au futur – « Tu t’élanceras vers la clarté », « Tu t’abandonneras à la contemplation », « Tu capteras l’invisible », « Tu donneras du temps à la lumière », « Tu entreras dans le silence », « Tu partiras de plus loin », le bleu a une place éminente, qu’il convient d’explorer. Il donne au bleu un caractère résolument spirituel, religieux et ce faisant il est plus explicite que les nombreuses études déjà réalisées sur la signification et le symbolisme de cette couleur. Il introduit donc une couleur dans la spiritualité et, dit-il, « avec le bleu, l’absolu n’est peut-être pas
invraisemblable, car il tapisse tout l’intérieur du corps ». Le bleu nous attire vers Dieu, il participe de notre cheminement vers Lui, de notre désir du divin, de nos questionnements sur le commencement et la fin … Dans tout ce qui évoque et nous rapproche de Dieu – le Vivant, la nature, les mots, la poésie, notre âme … - et dans notre intimité avec le Christ – par la Prière, le Pain et la Parole – il y a en quelque sorte un allié, un aiguillon, une couleur qui prend place et suscite le désir d’une foi nue, lumineuse et dépouillée, et même qui « nous force à la plongée, aux limites des formes, toujours plus loin, pour voir, pour toucher ce qui ne peut plus se prendre ».
5.2 – Dans Bleu d’enfance, quelques années plus tard, Philippe médite sur le bleu. D’emblée, il s’interroge : Le bleu serait-il religieux ? L’azur, l’étendard de l’absolu ? » Oui, il en est convaincu, mais attention de ne pas tomber dans la magie. La description du bleu s’efface au profit de la contemplation ; l’approche du bleu est davantage de l’ordre de l’effleurement que de la saisie. Le bleu est en nous ce qui est patience, douceur, délicatesse, transparence. Il faut « agrandir les yeux, étirer le regard : le bleu nous est intérieur, il est sans doute la couleur de l’âme. Parce que le ciel est d’abord en nous ». Il représente pour lui « l’enfance vers laquelle on grandit ».
La pensée de Philippe sur le bleu nous dit, s’il en était besoin, que tout est dans la profondeur, dans l’intériorité, dans la pureté et dans la transparence. « Tu exploreras le bleu » : un chemin vers notre « grande respiration », une source lumineuse, pour rejoindre ce fond de bonté – infantile – qui dort en chacun d’entre nous.
Jean-François Duyck Juin 2024
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