Une rencontre pas ordinaire
Comment témoigner de quelque chose de si constitutif de ma vie alors que tout s’est déroulé d’une manière à la fois si simple et si extraordinaire.
Je ne peux ici que raconter quelques détails marquants qui, je l’espère, permettront de rendre compte de la densité de sa personne, de la façon dont elle a pu résonner en moi et me changer.
Je devais organiser dans le cadre du Centre Pastoral St Merry une table ronde intitulée : « Quel chant liturgique pour aujourd’hui ? » Le thème imposait la parole d’un poète. Or, je lisais régulièrement les chroniques de Philippe dans la rubrique « les Essentiels » au cœur de l’hebdomadaire « La Vie ». Je guettais ses écrits dont le fond et la forme me semblaient d’une évidence rare par sa façon d’exprimer l’inexprimable avec simplicité et vérité. * Le temps qu’il m’a consacré pour le premier contact téléphonique m’a étonnée ! Voici une des qualités de Philippe : On peut parler chez lui de générosité, et surtout de la générosité du temps donné. Lorsqu’il était avec quelqu’un il y était totalement, laissant de côté son travail personnel et le silence qui lui était si précieux.
A l’occasion de cette table ronde je l’ai donc hébergé une première fois et j’avoue avoir craint que la soirée ne soit un peu austère. Les grands spirituels peuvent sembler inatteignables. J’ai vite laissé tomber mes idées reçues car j’ai eu immédiatement l’impression d’être avec un ami de longue date. Philippe abordait avec simplicité et profondeur les sujets essentiels. Je me suis vraiment sentie rencontrée. Il était toujours directement en phase avec la personne qui était en face de lui, pleinement humain. J’ai l’habitude de raconter qu’étant resté seul avec ma fille un petit moment il lui a posé me dit-elle les trois questions qu’elle se posait sur son orientation professionnelle !
J’aurais l’occasion d’être témoin de son étonnante facilité relationnelle de nombreuses fois. Il disait : « On touche la personne ou le lecteur à la profondeur depuis laquelle on lui parle ». Cela ne laissait personne indifférent. Cette profondeur venait d’une spiritualité à laquelle il a tout consacré. La solitude fut chèrement acquise, le silence apprivoisé peu à peu et la prière était un besoin vital. Il s’est ainsi forgé une foi intense en gardant une véritable liberté. Lorsqu’il échangeait avec quelqu’un il n’émettait aucun jugement. Il était possible de se livrer à lui sans fard. Il proposait juste une marche commune vers la vérité et la lumière. Cette lumière avec laquelle il communiait, je crois qu’il la diffusait autour de lui. Il rayonnait d’une joie véritable qui l’habitait. Quand je repense à lui maintenant c’est cette joie qui m’apparaît et qui apparaissait encore au téléphone deux jours avant son décès.
Nous avons par la suite approfondi notre relation. Nous échangions beaucoup sur la poésie, sur la foi. Je lui soumettais les textes de chants liturgiques que j’écrivais. Je lisais les livres qu’il publiait. A travers tous les sujets abordés c’était vraiment un accompagnement spirituel que je vivais sans qu’il soit nommé ainsi. Je peux dire que cette rencontre a été l’une des plus marquante de ma vie par sa puissance, sa vérité, la cohérence entre vie et foi. Oui, il est vraiment possible de vivre ainsi de l’évangile, Philippe en était l’exemple éclatant. Le lien a changé de nature depuis son décès mais je peux dire qu’il dure toujours. Philippe n’est pas qu’un souvenir. Le dialogue continuera m’a-t-il dit, et il continue !
*Un livre a rassemblé quelques-uns des textes parus : « Petites chroniques d’un chrétien ordinaire » chez Desclée de Brouwer.
Christine Barbey - Juin 2023
Créez votre propre site internet avec Webador